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Invitation au conflit

31 août 2024
 - 20 octobre 2024

Regatu Asefa, commissaire-hôte communautaire, galerie commerciale

Sarah-Mecca Abdourahman, Tolorunlogo Akinrinola, Stéphane Alexis,  Jemimah Lorissaint, Judy Nakagawa, Yomi Orimoloye

Invitation au conflit

Les nuances de nos souffrances restent souvent inexprimées. La peine, le désespoir et les pensées négatives résonnent en nous et veulent se faire entendre. Ce conflit se voit pourtant souvent refoulé derrière une façade d’optimisme, réduit au silence par la pression sociale et les tabous. Nous nous démenons pour composer avec ces émotions universelles, chacun isolé par l’impossibilité de manifester toute la gamme de l’expérience humaine.

La pandémie a exacerbé la souffrance collective. Notre détresse, d’abord tenue à l’écart, a depuis été acceptée comme une expérience commune. Mais la vie a beau reprendre son cours, le poids de l’émotion demeure. Comment pouvons-nous alors traverser et traiter la tristesse, l’anxiété et l’insécurité? Comment exprimer l’inexprimable et concilier notre fardeau émotionnel avec la vie de tous les jours? Autrement dit, comment prendre le temps de s’ouvrir à notre noirceur pour faire face, ensemble, au conflit?

Invitation au conflit présente une confrontation, par l’art, d’états émotionnels troubles, le processus créatif servant ici de catharsis.L’exposition explore l’expression créative comme moyen de faire reconnaître sa douleur, et parfois même de l’apaiser. Les œuvres à dans la tristesse, la peine, l’insécurité, l’anxiété, la vulnérabilité et la mortalité. Elles sont des manifestations visuelles du profond désarroi des artistes. Il s’agit de journaux d’émotions,1 d’un récit à vif des difficultés vécues.

L’œuvre Words of Sadness de Judy Nakagawa explore trois niveaux de peine : le départ d'une ville ayant eu une grande influence sur sa personne, la constatation du déclin de ses parents et le deuil dévastateur d’une amitié. My Mental State de Tolorunlogo Akinrinola tisse une histoire contre les stéréotypes entourant la vulnérabilité, surtout celle des hommes noirs, et met de l’avant la force et la beauté de s’ouvrir à ses émotions. Birthday Boy de Yomi Orimoloye exprime la mélancolie existentielle qui se manifeste souvent en vieillissant : Serais-je la personne que j’aurai voulu être? La superposition des masques révèle la complexité et la performance du « soi ». La série Ghost de Stéphane Alexis confronte le traumatisme d’avoir frôlé la mort, en particulier la peur, la douleur physique et le soulagement qui l’accompagne. Le processus créatif a forcé l’artiste à revivre son traumatisme, devenant ainsi une voie de guérison. De la même manière, l’impétuosité artistique de Sara-Mecca Abdourahman lui sert d’exutoire thérapeutique, explorant la nostalgie, la peine et le regret de l’innocence de l’enfance. Dans l’œuvre de Jemimah Lorissaint, Between Tears and Light, l’eau représente la tristesse, la détresse physique et l’isolement émotif de l’artiste, tout en purifiant et en baptisant une forme tourmentée – un renouveau après la douleur.

Invitation au conflit refuse de passer sous silence la souffrance. Au contraire, c’est un appel à la vulnérabilité. En confrontant la noirceur de leurs émotions, les artistes ont transformé leur peine en œuvres d’art tangibles qui font écho à l’universalité de l’expérience humaine.2 Nous crions, nous pleurons, nous souffrons et nous créons en réaction à toute la gamme de nos émotions. Ce processus, bien qu’inconfortable, est absolument nécessaire à une vie épanouie.

Osez l’inconfort. Invitez le conflit

Regatu Asefa, commissaire-hôte communautaire, galerie commerciale

1 Tiré d’une rencontre avec Jemimah Lorissaint, le 24 juin 2024.

2 Anja A. Drautzburg and Jackson Oldfield, « Introduction: How Can We Make Sense of Suffering? » de Making Sense of Suffering: A Collective Attempt, éd. Anja A. Drautzburg et Jackson Oldfield (Londres : Inter-Disciplinary Press, 2013), ix.

Cette exposition a bénéficié du soutien et du partenariat de l’Ottawa Black Art Kollective (OBAK).

Image : Yomi Orimoloye, Birthday Boy, 2023, acrylique sur toile, 30 po x 30 poImage avec l'aimable autorisation de l'artiste. 

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